Moïse Tshombe : Une figure controversée de l'histoire congolaise (1964–1969)

I. Retour d’exil et ascension politique (1964)

En 1964, après des années d’exil à Madrid suite à la sécession katangaise, Moïse Tshombe est rappelé par le président Joseph Kasa-Vubu pour occuper le poste de Premier Ministre. Son retour à Léopoldville le 26 juin 1964 est triomphal. Il est perçu comme un homme fort, capable de restaurer l’unité et l’autorité de l’État. Il sera nommé Premier Ministre le 10 juillet 1964, dans un Congo en pleine tourmente et forme un Gouvernement de salut public composé de 10 membres.

Durant l’été 1964, il entame une tournée nationale : Stanleyville, Bukavu, Goma, Usumbura (où il rencontre Focas Bwimba un des leaders de la rébellion dans le Kivu), Elisabethville, Kasenga, Luluabourg, Mbuji-Mayi. Partout, il est accueilli avec enthousiasme. Mais ce succès est de courte durée.

Le 8 février 1965 le Premier Ministre Moïse Tshombe rentre à Léopoldville venant de Bruxelles après avoir eu des négociations avec le Vice-Premier Ministre Belge Paul-Henry Spaak. Moïse Tshombe descend de l’avion en montrant un attaché case, le fameux portefeuille, qu’il brandira tout au long de son parcourt sous les acclamations de la foule

II. La rébellion Simba et la reconquête (1964–1965)

Malgré l’euphorie populaire, la situation sécuritaire se dégrade rapidement. En quelques semaines, les rebelles Simba, soutenus par des puissances étrangères et encadrés par des «révolutionnaires» comme Pierre Mulele, prennent Stanleyville, Paulis, Albertville, et d’autres villes de l’Est. Seul le Katanga, bastion de Tshombe, résiste.

Pour reprendre le contrôle, Tshombe fait appel à des mercenaires européens et aux parachutistes belges, avec l’appui discret de la CIA. Le 24 novembre 1964, l’opération Dragon Rouge permet la reprise de Stanleyville, la libération des otages occidentaux, et marque le début de la "pacification". Bob Denard arrive au Congo le 22 février 1965

III. Isolement diplomatique : le sommet de l’OUA au Caire

Peu après sa nomination comme Premier Ministre, Tshombe participe à la Conférence de l’OUA au Caire, qui se tient du 17 au 21 juillet 1964. Le président égyptien Gamal Abdel Nasser refuse sa participation. Toute la délégation congolaise est conduite devant un bâtiment isolé ressemblant à un centre de rétention, devant les protestations véhémentes de la délégation, elle est finalement hébergée à l’Hôtel Hilton. Tshombe est placé sous surveillance à Héliopolis, et interdit de visites.

Cet épisode illustre l’hostilité d’une partie du monde africain à son égard.

IV. Conflits politiques et destitution (1965)

Tshombe, bien que victorieux sur le plan militaire, est de plus en plus contesté politiquement. Le président Joseph Kasa-Vubu représente le Congo à la Conférence de l’OUA à Accra, alors que les tensions internes au Congo s’exacerbent. L’image de Moïse Tshombe reste entachée par son passé sécessionniste et ses alliances avec les anciennes puissances coloniales.

Le 13 octobre 1965, Kasa-Vubu le révoque de ses fonctions de Premier Ministre. Cette crise institutionnelle débouche sur le coup d’État du colonel Mobutu, le 24 novembre 1965, jour anniversaire de la reprise de Stanleyville. Tshombe s’exile à nouveau.

V. L’affaire du détournement d’avion et l’emprisonnement en Algérie (1967–1969)

En juin 1967, Moïse Tshombe est victime d’un détournement d’avion orchestré par Francis Bodenan, un agent français lié au SDECE. L’avion est dirigé vers Alger, où Tshombe est capturé et assigné à résidence par le régime de Boumédiène.

L’Algérie refuse de l’extrader au Congo, exigeant :

  • La rupture des relations du Congo avec Israël ;

  • La libération de prisonniers politiques congolais, notamment Gaston Soumialot.

Mobutu refuse. Tshombe reste détenu à Alger. En mars 1967, il est condamné à mort par contumace à Kinshasa.

VI. Mort en exil et fin d’un destin tragique (1969)

Le 29 juin 1969, Moïse Tshombe meurt en détention à Alger, officiellement d’une crise cardiaque. Des soupçons d’empoisonnement persistent.

Son corps ne sera jamais rapatrié. Sa disparition marque la fin d’un acteur-clé de la décolonisation congolaise, adulé et rejeté, artisan de l’unité et de la division.

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La RDC de Mai 64 à Novembre 65